Histoire de Grenade et de sa province

A l’origine, les terres de Grenade et de sa province étaient habitées par des tribus ibériques, comme l’atteste la découverte de la «Dama de Baza», joyau de l’art ibérique. Par la suite, les phéniciens fondèrent sur la côte les colonies de «Salubinia» (Salobreña) et «Sexi» (Almuñecar). Il ne reste pas beaucoup d’indices du passage de la culture grecque, à l’inverse de la culture romaine. Il semblerait qu’il y eût à l’origine, l’établissement d’une localité appelée Eliberris (Ilberis – Ilbira – Elvira), située  dans la vallée du Darro, sur la colline de l’actuel Albaicín, et qui donna son nom à l’ensemble de la région.


La Dama de Baza - découverte en 1970 dans la province de Grenade

« La Dame de Baza » – statue ibérique du IV ème siècle avant J.C.

 Avec la christianisation de Iliberis par San Cecilio au 1er siècle, se fonda un siège épiscopal qui se proclama au 4ème siècle «Concile d’Elvira». Quand les musulmans conquirent la péninsule, il existait trois noyaux de population importants dans la région : deux  gothiques-romains, «Iliberis» déjà mentionné, et «Castilia», au pied de Sierra Elvira ; le troisième était juif, «Garnatha Alyehud », au pied de Torres Bermejas, plutôt un faubourg de Iliberis. Dans un premier temps les musulmans occupèrent Castilia, la renommant «Medina Ilbira» (Medina Elvira), capitale d’Elvira, ainsi que le noyau voisin de la colline du rio Darro, qu’ils appelèrent Granada. Au début du 11ème siècle Zawi Ibn Ziri transféra sa cour et la capitale du royaume qui se trouvaient alors à Medina Elvira, sur la colline de l’actuel Albaicin, anciennement Iliberis. C’est cet évènement que l’on dit être à l’origine de Grenade.

 Parmi les 8 siècles que dura l’occupation musulmane de la péninsule, deux périodes très concrètes sont à retenir, correspondant aux règnes des deux dynasties qui ont gouverné la ville : celui de la dynastie Ziri (1013-1090) et celui de la dynastie Nasride (1238-1492). Les Ziris, parce qu’ils la construisirent et la fondèrent en tant que royaume indépendant ; et les Nasrides, parce qu’ils furent la dernière monarchie régnante en Espagne, maintenant à Grenade la capitale, son joyau le plus précieux. C’est aussi au cours de cette période médiévale que la ville s’agrandit et crût plus que jamais.

 Le Royaume Nasride de Grenade, avec une population dépassant les 400 000 habitants, s’étendait du Cap de Gata à Gibraltar, incluant les actuelles provinces d’Almeria, GrenadeMalaga, une partie de Cadix et de Jaen. Ce ne fut pas un empire dominateur et fort, comme celui de Cordoue, mais plutôt un royaume fermé, qui dut, dès son origine, payer de forts tributs à la puissante couronne d’Espagne. Conscient de sa faiblesse, il chercha sans cesse le soutien dans des amitiés avec ses ennemis.

 Paradoxalement, et pour contrebalancer cette faiblesse militaire, Grenade fut un royaume puissant intellectuellement et culturellement, accueillant en ses terres de grands poètes, artistes et penseurs. La ville s’agrandit à cette époque plus que jamais, jusqu’à compter 50 000 habitants selon certains historiens, d’autant qu’une foule de musulmans en fuite, en provenance d’Ubeda, Baeza, Antequera et d’autres villes, y trouvèrent refuge. On y construisit alors, non seulement l’Alhambra, mais aussi des mosquées, des palais, des hôpitaux et même, une université.

 


tableau représentant la prise de Grenade par les Rois Catholiques

L’oeuvre de Francisco Pardilla Ortiz: la « Rendición de Granada »

 L’ère chrétienne commença avec la conquête de Grenade par les Rois Catholiques, le 2 janvier 1492. Une nouvelle période de splendeur au cours de laquelle les rois chrétiens allaient soigner et dorer davantage la ville, alors que venait de se terminer la longue période de la Reconquista. Pour réaffirmer le triomphe de la religion catholique sur l’Islam, on édifia de nombreuses églises, de nombreux couvents et monastères. Au cours de ces premières années, correspondant aux règnes des Rois Catholiques et de l’empereur Charles V (Carlos Quinto), on construisit les grands monuments chrétiens de la ville: la Chapelle Royale, l’Université, la Cathédrale, le couvent de Santa Isabel la Real, le Palais de Charles V, le monastère de San Jerónimo…, s’inscrivant dans les mouvements Gothiques tardifs et Renaissance. On vit alors travailler à Grenade, des artistes renommés tels que Pedro Machuca, Enrigue Egas ou Diego de Siloé.

 Bien que les premières années suivant la Reconquista supposent la cohabitation des chrétiens, des juifs et des maures1, avec le temps, les positions des récents vainqueurs allaient se radicaliser, limitant régulièrement les droits des peuples des autres religions. Le peuple juif en souffrit le premier, puisqu’il fut expulsé alors même que les arabes étaient encore tolérés. Cependant, à la fin du 16ème siècle, avec le règne de Felipe II, on assista à une réelle mutilation des droits des maures, harcelés par les impôts et une intolérance grandissante ; celle-ci s’ immisçait jusque dans leurs coutumes, conduisant à la sanglante «Rébellion des Morisques» ou «Guerre des Alpujarras» (1568-1571). Les maures furent vaincus, et par la suite, sous le règne de Felipe III,  expulsés.

 La conséquence fut un recul de l’économie, de l’agriculture et de l’artisanat national, ressenti surtout à Grenade, dont l’enrichissement dépendait fortement des maures.

 A  la période baroque et post-baroque (17ème et 18ème siècles), Grenade connaît un nouveau souffle architectural. C’est l’époque de la construction du monastère de la Cartuja, des basiliques de San Juan de Dios et de la Vierge de las Angustias, ou de l’église del Sagrario. On vit surgir une nouvelle pléiade d’artistes, qui créèrent des écoles dans et en dehors de la ville : Alonso Cano, Pedro de Mena, José Risueño, los Mora

 L’invasion napoléonienne au début du 19ème siècle, détruisant une partie de la richesse monumentale de la ville, marque une période de déclin. En 1829, l’écrivain diplomate nord-américain Washington Irving séjourne à Grenade et écrit «les Contes de l’Alhambra». Attirés par ces légendes et celles que d’autres artistes romantiques répandent à travers l’Europe, la ville revit, investie par de nombreux écrivains, artistes et voyageurs romantiques : Dumas, Daumier, Delacroix, David Roberts… ; ils l’immortalisèrent et lui donnèrent une dimension universelle.

 


gravure d'une salle de l'Alhambra - illustration

Gravure d’une salle de l’Alhambra illustrant les contes de l’Alhambra d’Irving

 Avec la venue de la reine Isabel II en 1862, et le couronnement du poète José Zorilla au Palais de Charles V en 1889, Grenade connaît un nouvel essor, et des mesures sont prises pour restaurer l’Alhambra, finalement ouverte au public avec don Alfonso XIII. Dès lors, et jusqu’à aujourd’hui, la renommée de Grenade n’a pas cessé de croître, popularisée en outre par la «Génération du 27» ;  avec entre autres Frederico Garcia Lorca, Pablo Neruda, Salvador Dali et Juan Roamon Jimenez, qui l’élevèrent au sommet des villes artistiques, littéraires et musicales, non seulement au rang national, mais aussi mondial.

 1  A l’origine, les Rois Catholiques acceptèrent de respecter les pratiques religieuses des musulmans vaincus, seulement en échange d’un impôt. Toutefois, ils furent rapidement obligés d’adopter la religion catholique. Ces nouveaux chrétiens, musulmans récemment baptisés et convertis au christianisme, étaient connus comme morisques. Ils recevaient en se baptisant des noms chrétiens, bien que dans la plupart des cas, leur conversion n’était qu’apparente, puisqu’ils continuaient à vivre selon leurs coutumes et rites musulmans.

 

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